L’histoire du « Rêve du Diable » est intimement liée à celle de Gervais Lessard. Celui-ci vient d’une famille de musiciens: son père était un pianiste autodidacte et ses quatre soeurs sont aussi musiciennes (classique surtout). Il a fait ses débuts comme batteur dans l’orchestre de son père à l’âge de quatorze ans (en 1964). En 1970, après avoir entendu un disque de Philippe Gagnon, il se met à l’harmonica puis au violon. Il découvre, lors des excursions effectuées avec le département de Biologie de l’Université Laval, qu’il possède aussi des talents de chanteur. C’était facile, il n’avait qu’à imiter son oncle Roger, le frère de son père.

 En 1974, il rencontre André Gladu (le cinéaste) qui le fait participer à la première soirée du « Son des Français d’Amérique » puis à « la Veillée des veillées ». C’était parti; le reste, c’est l’histoire du Rêve du Diable.

 Ça débute avec Claude Méthé, un guitariste très talentueux, que Gervais découvre dans un party chez sa soeur Danièle, à Québec. Ils ont eu l’idée de fonder le groupe peu de temps après cette rencontre. Nous sommes toujours en 1974. Gervais jouait du violon et de l’harmonica à cette époque; quant à Claude, il jouait de la guitare dans le style « finger-picking » sur une vieille Martin des années 30.

 Gervais venait de terminer un bacalauréat en biologie et travaillait comme professeur à la polyvalente Pamphile Lemay de Ste-Croix dans le comté de Lotbinière. Le duo se produisait, alors, dans des bars de Lévis et de Lauzon (la Barricade, entre autres). C’est d’ailleurs à cet endroit qu’il entendit « les Fourmis du Rang », un duo composé de Jean-Pierre Lachance et de Pierre Beaulé. La décision fut vite prise de fusionner les deux groupes pour former « les Toasts sur le Poêle à Bois ». La nouvelle formation eut une existence très brève car Pierre dut abandonner pour des raisons de santé.

 Les trois musiciens qui restaient décidèrent de continuer et de reprendre le nom de « Rêve du Diable ». Il est à noter que Claude Méthé s’était depuis quelques mois sérieusement mis à la mandoline et au violon. Le trio se produisait régulièrement au « Bar Élite » de Québec. Nous sommes à l’automne 1975. C’est d’ailleurs à cette époque que Paul Dubois s’est amené avec son accordéon pour essayer quelques pièces. Ce fut le coup de foudre et il est devenu aussitôt le quatrième membre du Rêve.

 En 1976, des producteurs de Montréal leur offrent d’enregistrer un premier album. Le succès fut immédiat, dû fort probablement à la montée nationaliste au Québec et à l’élection de René Lévesque et du Parti québécois.

 

 L’année suivante, paraît le deuxième album  intitulé « Rivière jaune ». Le groupe est redevenu un trio car Paul Dubois qui n’aimait pas voyager a préféré se retirer. En 1978, on décide de dissoudre le groupe, la flamme de l’enfer s’est éteinte. Vers la fin de l’année, Claude Méthé qui a commencé à faire de la musique avec son beau-frère, le guitariste Pierre Vézina, vient rendre visite à Gervais et, spontanément, on repart le Rêve du Diable. En 1979, André Marchand, le guitariste de la Bottine souriante, quitte ceux-ci et vient offrir ses services au Rêve. On est à la veille de rentrer en studio pour enregistrer le troisième album: on embauche André, bien plus, on inclut deux de ses compositions sur le disque qui sort en 1979. C’est « Délires et des reels ». C’est à partir de cette période que commencent les fréquentes tournées en Europe.

 Après une soirée mémorable de discussions passablement vives, André laisse tomber le Rêve. On continue donc à trois pendant plusieurs années. L’album «l’Auberge » donne une très bonne idée du son du Rêve à ce moment-là. On est en 1982, l’année de l’Oscar remporté par Frédéric Back pour son film d’animation « Crac ». Le Rêve (Gervais, Claude et Pierre) avait collaboré très étroitement à la bande sonore de ce petit chef-d’oeuvre. De plus, « l’Auberge », dont la pochette a été dessinée par Frédéric Back lui-même, se mérite le Félix du meilleur disque de musique traditionnelle de l’année.

 Puis, c’est le début de la période creuse pour le folklore québécois. Pierre abandonne le groupe pour entreprendre une carrière en service social.

 L’arrivée du chanteur, pianiste et guitariste, Claude Morin, en 1983 marque le début d’une période très difficile pour le groupe qui survivra surtout grâce aux tournées en France. Claude Méthé, un des piliers, abandonne définitivement en 1985. Auparavant, on avait embauché Pierre Laporte, le premier violonneux de la Bottine qui a pu faire quelques spectacles avant de quitter, lui aussi. Les temps étaient vraiment durs pour la musique traditionnelle.

 Heureusement, Gervais et Claude Morin (Le Clin) ont continué pour le plaisir seulement, comme passe-temps, à donner des prestations un peu partout au Québec et ailleurs au Canada et en Europe, même en Afrique!  En 1991, c’est reparti en grande: on sort « Avec cholestérol », enregistré au studio de Denis Fréchette et André Marchand, à Joliette. Puis en 1996, c’est « Résurrection », auquel ont participé plus d’une quinzaine de musiciens et chanteurs invités.

 Le Rêve du Diable est ensuite redevenu un trio grâce à l’ajout de l’excellent violonneux, Daniel Lemieux. Ils font plusieurs spectacles ensemble mais Daniel finit par quitter pour d’autres projets.

 

 Au courant des années 2000 Pierre Laporte revient dans le Rêve, avec Daniel Roy (ancien sonorisateur du groupe) ils forment alors un quatuor! Un septième album verra le jour de cette union en 2002: « Sans Tambour ni trompette ». Ils joueront ensemble sous cette formation pendant presque 10 ans!

 En 2012, le Rêve du Diable reçoit la médaille de l’Assemblée nationale pour son importance dans la musique au Québec, c’est Gervais Lessard qui reçoit le prix au nom du groupe! Le groupe fait, alors, un retour avec un spectacle inattendu « Dix hommes endiablés » où tous les membres originaux du groupe se réunissent pour un spectacle mémorable à l’Anglicane de Lévis le 29 septembre.

À l’automne 2013, paraît le huitième album du Rêve du Diable qui s’intitule ironiquement « Avec tambour et trompette ». Ce dernier disque, très différent des précédents, comporte en grande partie des compositions originales de Gervais.

À la fin de 2014, un documentaire réalisé par  Feber E. Coyote voit le jour afin de couronner les 40 ans du groupe.  Ce documentaire qui est un portrait plutôt fantaisiste du Rêve a aussi pour titre « Avec tambour et trompette ».

En 2016, Gervais, le fondateur du Rêve, est honoré du prix « Artisan de la Fête nationale du Québec » avec Yves Lambert et  André Marchand.

Depuis, le Rêve (Gervais et Le Clin) s’amuse toujours en compagnie de Daniel Lemieux et, souvent, de son fils Louis-Simon devant des publics de plus en plus jeunes !

À suivre…

 

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